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Bijlage 4
Michel Foucault Hétérotopies.
Des espaces autres
La grande hantise qui a obsédé le XIX' siècle a
été, on le sait, l'histoire thèmes du développement et de l'arrêt, thèmes
de la crise et du cycle, thèmes de l'accumulation du passé, grande surcharge
des morts, refroidissement menaçant du monde. C'est
dans le second principe de thermodynamique que le XIXe siècle a trouvé
l'essentiel de ses ressources mythologiques. L'époque actuelle serait peut-être
plutôt l'époque de l'espace. Nous sommes à l'époque du simultané, nous
sommes à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du proche et du ,lointain,
du côte à côte, du dispersé. Nous sommes à un moment où le monde s'éprouve,
je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps
que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau.
Peut-être pourrait-on dire que certains des conflits idéologiques qui animent
les polémiques d'aujourd'hui se déroulent entre les pieux descendants du temps
et les habitants acharnés de l'espace. Le structuralisme, ou du moins ce qu'on
groupe sous ce nom un petit peu général, c'est l'effort pour établir, entre
des éléments qui peuvent avoir été répartis à travers le temps, un
ensemble de relations qui les fait apparaître comme juxtaposés, opposés,
impliqués l'un par l'autre, bref, qui les fait apparaître comme une sorte de
configuration; et à vrai dire, il ne s'agit pas par là de nier le temps; c'est
une certaine manière de traiter ce qu'on appelle le temps et ce qu'on appelle
l'histoire.
Il faut cependant remarquer que l'espace qui
apparaît aujourd'hui à l'horizon de nos soucis, de notre théorie, de nos systèmes
n'est pas une innovation; l'espace lui-même, dans l'expérience occidentale, a
une histoire, et il n'est pas possible de méconnaître cet 'entrecroisement
fatal du temps avec l'espace. On pourrait dire, pour retracer très grossièrement
cette histoire de l'espace, qu'il était au Moyen Age un ensemble hiérarchisé
de lieux : lieux sacrés et lieux profanes, lieux protégés et lieux au
contraire ouverts et sans défense, lieux urbains et lieux campagnards (voilà
pour la vie réelle des hommes); pour la théorie cosmologique, il y avait les
lieux supra-célestes opposés au lieu céleste; et le lieu céleste à son tour
s'opposait au lieu terrestre; il y avait les lieux où les choses se trouvaient
placées parce qu'elles avaient été déplacées violemment et puis les lieux,
au contraire, où les choses trouvaient leur emplacement et leur repos naturels.
C'était toute cette hiérarchie, cette opposition, cet entrecroisement de lieux
qui constituait ce qu'on pourrait appeler très grossièrement l'espace médiéval
: espace de localisation.
Cet espace de localisation s'est ouvert avec
Galilée, car le vrai scandale de l'ouvre de Galilée, ce n'est pas tellement
d'avoir découvert, d'avoir redécouvert plutôt que la Terre tournait autour du
soleil, mais d'avoir constitué un espace infini, et infiniment ouvert; de telle
sorte que le lieu du Moyen Age s'y trouvait en quelque sorte dissous, le lieu
d'une chose n'était plus qu'un point dans son mouvement, tout comme le repos
d'une chose n'était que son mouvement indéfiniment ralenti. Autrement dit, à
partir de Galilée, à partir du XVIIe siècle, l'étendue se substitue à la
localisation.
De nos jours, l'emplacement se substitue à l'étendue
qui elle-même remplaçait la localisation. L'emplacement est défini par les
relations de voisinage entre points ou éléments; formellement, on peut les décrire
comme des séries, des arbres, des treillis.
D'autre part, on sait l'importance des problèmes
d'emplacement dans la technique contemporaine : stockage de l'information ou des
résultats partiels d'un calcul dans la mémoire d'une machine, circulation d'éléments
discrets, à sortie aléatoire (comme tout simplement les automobiles ou après
tout les sons sur une ligne téléphonique), repérage d'éléments, marqués ou
codés, à l'intérieur d'un ensemble qui est soit réparti au hasard, soit
classé dans un classement univoque, soit classé selon un classement plurivoque,
etc.
D'une manière encore plus concrète, le problème
de la place ou de l'emplacement se pose pour les hommes en termes de démographie;
et ce dernier problème de l'emplacement humain, ce n'est pas simplement la
question de savoir s'il y aura assez de place pour l'homme dans le monde - problème
qui est après tout bien important -, c'est aussi le problème de savoir quelles
relations de voisinage, quel type de stockage, de circulation, de repérage, de
classement des éléments humains doivent être retenus de préférence dans
telle ou telle situation pour venir à telle ou telle fin. Nous sommes à une époque
où l'espace se donne à nous sous la forme de relations d'emplacements.
En tout cas, je crois que l'inquiétude
d'aujourd'hui concerne fondamentalement l'espace, sans doute beaucoup plus que
le temps; le temps n'apparaît probablement que comme l'un des jeux de
distribution possibles entre les éléments qui se répartissent dans l'espace.
Or, malgré toutes les techniques qui
l'investissent, malgré tout le réseau de savoir qui permet de le déterminer
ou de lei formaliser, l'espace contemporain n'est peut-être, pas encore entièrement
désacralisé - à la différence sans doute du temps qui, lui, a été désacralisé
au XIXe siècle. Certes, il y a bien eu une certaine désacralisation théorique
de l'espace (celle à laquelle l'ouvre de Galilée a donné le signal), mais
nous n'avons peut-être pas encore accédé à une désacralisation pratique de
l'espace. Et peut-être notre vie est-elle encore commandée par un certain
nombre d'oppositions auxquelles on ne peut pas toucher, auxquelles l'institution
et la pratique n'ont pas encore osé porter atteinte : des oppositions que nous
admettons comme toutes données : par exemple, entre l'espace privé et l'espace
public, entre l'espace de la famille et l'espace social, entre l'espace culturel
et l'espace utile, entre. l'espace de loisirs et l'espace de travail; toutes
sont animées encore par une sourde sacralisation.
L'oeuvre - immense - de Bachelard, les
descriptions des phénoménologues nous ont appris que nous ne vivons pas dans
un espace homogène et vide, mais, au contraire, dans un espace qui est tout
chargé de qualités, un espace, qui est peut-être aussi hanté de fantasme;
l'espace de notre perception première, celui de nos rêveries, celui de nos
passions détiennent en eux-mêmes des qualités qui sont comme intrinsèques;
c'est un espace léger, éthéré, transparent, ou bien c'est un espace obscur,
rocailleux, encombré : c'est un espace d'en haut, c'est un espace des cimes, ou
c'est au contraire un espace d'en bas, un espace de la boue, c'est un espace qui
peut être courant comme l'eau vive, c'est un espace qui peut être fixé, figé
comme la pierre ou comme le cristal.
Cependant, ces analyses, bien que fondamentales
pour la réflexion contemporaine, concernent surtout l'espace du dedans. C'est
de l'espace du dehors que je voudrais parler maintenant.
Bien sûr, on pourrait sans doute entreprendre la
description de ces différents emplacements, en cherchant quel est l'ensemble de
relations par lequel on peut définir cet emplacement. Par exemple, décrire
l'ensemble des relations qui définissent les emplacements de passage, les rues,
les trains (c'est un extraordinaire faisceau de relations qu'un train, puisque
c'est quelque chose à travers quoi on passe, c est quelque chose également par
quoi on peut passer d'un oint à un autre et puis c'est quelque chose également
qui passe). On pourrait décrire, par le faisceau des relations qui permettent
de les définir, ces emplacements de halte provisoire que sont les cafés, les
cinémas, les plages. On pourrait également définir, par son réseau de
relations, l'emplacement de repos, fermé ou à demi fermé, que constituent la
maison, la chambre, le lit, etc. Mais ce qui m'intéresse, ce sont, parmi tous
ces emplacements, certains d'entre qui ont la curieuse propriété d'être en
rapport avec tous les autres emplacements, mais sur un mode tel qu'ils
suspendent, neutralisent ou inversent l'ensemble des rapports qui se trouvent,
par eux, désignés, reflétés ou réfléchis. Ces espaces, en quelque sorte,
qui sont en liaison avec tous les autres, qui contredisent pourtant us les
autres emplacements, sont de deux grands types.
HETEROTOPIES
Il y a d'abord les utopies. Les utopies, ce sont
les emplacements sans lieu réel. Ce sont les emplacements qui entretiennent
avec 1'espace réel de la société un rapport général d'analogie directe ou
inversée. C'est la société elle-même perfectionnée ou c'est l'envers de a
société, mais, de toute façon, ces utopies sont des espaces qui sont
fondamentalement essentiellement irréels.
Il y a également, et ceci probablement dans
toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs,
des lieux qui ont dessinés dans l'institution même de la société, et qui
sont des sortes de contre-emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées
dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que
l'on peut trouver à l'intérieur de la culture sont à la fois représentés,
contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux,
bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu'ils
sont absolument autres que tous les emplacements qu'ils reflètent et dont ils
parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies ; et
je crois qu'entre les utopies et ces emplacements absolument autres, ces hétérotopies,
il y aurait sans doute une sorte d'expérience mixte, mitoyenne, qui serait le
miroir. Le miroir, après tout, c'est une utopie, puisque c'est un lieu sans
lieu. Dans le miroir, je me vois là où je ne suis pas, dans un espace irréel
qui s'ouvre virtuellement derrière la surface, je suis là-bas, là où je ne
suis pas, une sorte d'ombre qui me donne à moi-même ma propre visibilité, qui
me permet de me regarder là où je suis absent - utopie du miroir. Mais c'est
également une hétérotopie, dans la mesure où le miroir existe réellement,
et où il a, sur la place que j'occupe, une sorte d'effet en retour ; c'est à
partir du miroir que je me découvre absent à la place où je suis puisque je
me vois là-bas. À partir de ce regard qui en quelque sorte se porte sur moi,
du fond de cet espace virtuel qui est de l'autre côté de la glace, je reviens
vers moi et je recommence à porter mes yeux vers moi-même et à me
reconstituer là où je suis; le miroir fonctionne comme une hétérotopie en ce
sens qu'il rend cette place que j'occupe au moment où je me regarde dans la
glace, à la fois absolument réelle, en liaison avec tout l'espace qui
l'entoure, et absolument irréelle, puisqu'elle est obligée, pour être perçue,
de passer par ce point virtuel qui est là-bas.
Quant aux hétérotopies proprement dites,
comment pourrait-on les décrire, quel sens ont-elles? On pourrait supposer, je
ne dis pas une science parce que c'est un mot qui est trop galvaudé maintenant,
mais une sorte de description systématique qui aurait pour objet, dans une société
donnée, l'étude, l'analyse, la description, la " lecture " , comme
on aime à dire maintenant, de ces espaces différents, ces autres lieux, une
espèce de contestation à la fois mythique et réelle de l'espace où nous
vivons; cette description pourrait s'appeler l'hétérotopologie.
Premier
principe, c'est qu'il n'y a probablement pas une seule
culture au monde qui ne constitue des hétérotopies. C'est là une constante de
tout groupe humain. Mais les hétérotopies prennent évidemment des formes qui
sont très variées, et peut-être ne trouverait-on pas une seule forme d'hétérotopie
qui soit absolument universelle. On peut cependant les classer en deux grands
types.
Dans notre société, ces hétérotopies de crise
ne cessent de disparaître, quoi qu'on en trouve encore quelques restes. Par
exemple, le collège, sous sa forme du XIXe siècle, ou le service militaire
pour les garçons ont joué certainement un tel rôle, les premières
manifestations de la sexualité virile devant avoir lieu précisément "
ailleurs " que dans la famille. Pour les jeunes filles, il existait,
jusqu'au milieu du XX siècle, une tradition qui s'appelait le " voyage de
noces " ; c'était un thème ancestral. La défloration de la jeune fille
ne pouvait avoir lieu " nulle part " et, à ce moment-là, le train,
l'hôtel du voyage de noces, c'était bien ce lieu de nulle part, cette hétérotopie
sans repères géographiques.
Mais ces hétérotopies de crise disparaissent
aujourd'hui et sont remplacées, je crois, par des hétérotopies qu'on pourrait
appeler de déviation : celle dans laquelle on place les individus dont le
comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée. Ce
sont les maisons de repos, les cliniques psychiatriques; ce sont, bien entendu
aussi, les prisons, et il faudrait sans doute y joindre les maisons de retraite,
qui sont en quelque sorte à la limite de l'hétérotopie de crise et de l'hétérotopie
de déviation, puisque, après tout, la vieillesse, c'est une crise, mais également
une déviation, puisque, dans notre' société où le loisir est la règle,
l'oisiveté forme une sorte de déviation.
Le deuxième principe de cette description des hétérotopies,
c'est que, au cours de son histoire, une société peut faire fonctionner d'une
façon très différente une hétérotopie qui existe et qui n'a pas cessé
d'exister; en effet, chaque hétérotopie a un fonctionnement précis et déterminé
à l'intérieur de la société, et la même hétérotopie peut, selon la
synchronie de la culture dans laquelle elle se trouve, avoir un fonctionnement
ou un autre.
Au fond, il était bien naturel qu'à l'époque où
l'on croyait effectivement à la résurrection des corps et à l'immortalité de
l'âme on n'ait pas prêté à la dépouille mortelle une importance capitale.
Au contraire, à partir du moment où l'on n'est plus très sûr d'avoir une âme,
que le corps ressuscitera, il faut peut-être porter beaucoup plus d'attention
à cette dépouille mortelle, qui est finalement la seule trace de notre
existence parmi le monde et parmi les mots.
En tout cas, c'est à partir du XIXe siècle que
chacun a eu droit à sa petite boîte pour sa petite décomposition personnelle;
mais, d'autre part, c'est à partir du XIXe siècle seulement que l'on a commencé
à mettre les cimetières à la limite extérieure des villes. Corrélativement
à cette individualisation de la mort et à l'appropriation bourgeoise du cimetière
est née une hantise de la mort comme " maladie " . Ce sont les morts,
suppose-t-on, qui apportent les maladies aux vivants, et c'est la présence et
la proximité des morts tout à côté des maisons, tout à côté de l'église,
presque au milieu de la rue, c'est cette proximité-là qui propage la mort
elle-même. Ce grand thème de la maladie répandue par la contagion des cimetières
a persisté à la fin du XVIIIe siècle; et c'est simplement au cours du XIXe siècle
qu'on a commencé à procéder aux déplacements des cimetières vers les
faubourgs. Les cimetières constituent alors non plus le vent sacré et immortel
de la cité, mais l' " autre ville " , où chaque famille possède sa
noire demeure.
Troisième
principe. L'hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un
seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes
incompatibles. C'est ainsi que le théâtre fait succéder sur le rectangle de
la scène toute une série de lieux qui sont étrangers les uns aux autres;
c'est ainsi que le cinéma est une très curieuse salle rectangulaire, au fond
de laquelle, sur un écran à deux dimensions, on voit se projeter un espace à
trois dimensions; mais peut-être est-ce que l'exemple le plus ancien de ces hétérotopies,
en forme d'emplacements contradictoires, l'exemple le plus ancien, c'est peut-être
le jardin. Il ne faut oublier que le jardin, étonnante création maintenant
millénaire, avait en Orient des significations très profondes et comme
superposées. Le jardin traditionnel des persans était un espace sacré qui
devait réunir à l'intérieur de son rectangle quatre parties représentant les
quatre parties du monde, avec un espace plus sacré encore que les autres qui était
comme l'ombilic, le nombril du monde en son milieu, (c'est là qu'étaient la
vasque et le jet d'eau); et toute la végétation du jardin devait se répartir
dans cet espace, dans cette sorte de microcosme. Quant aux tapis, ils étaient,
à l'origine, des reproductions de jardins. Le jardin, c'est un tapis où le
monde tout entier vient accomplir sa perfection symbolique, et le tapis, c'est
une sorte de jardin mobile à travers l'espace. Le
jardin, c'est la plus petite parcelle du monde et puis c'est la totalité du
monde. Le jardin, c'est, depuis le fond de l'Antiquité, une sorte d'hétérotopie
heureuse et universalisante (de là nos jardins zoologiques).
Quatrième
principe. Les
hétérotopies sont liées, le plus souvent, à des découpages du temps, c'est-à-dire
qu'elles ouvrent sur ce qu'on pourrait appeler, par pure symétrie, des hétérochronies
; l'hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent
dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel; on voit par là
que le cimetière est bien un lieu hautement hétérotopique, puisque le cimetière
commence avec cette étrange hétérochronie qu'est, pour un individu, la perte
de la vie, et cette quasi éternité où il ne cesse pas de se dissoudre et de
s'effacer.
D'une
façon générale, dans une société comme la nôtre, hétérotopie et hétérochronie
s'organisent et s'arrangent d'une façon relativement complexe. Il y a d'abord
les hétérotopies du temps qui s'accumule à l'infini, par exemple les musées,
les bibliothèques; musées et bibliothèques sont des hétérotopies dans
lesquelles le temps ne cesse de s'amonceler et de se jucher au sommet de lui-même,
alors qu'au XVIIe, jusqu'à la fin du XVIIe siècle encore, les musées et les
bibliothèques étaient l'expression d'un choix individuel. En revanche, l'idée
de tout accumuler, l'idée de constituer une sorte d'archive générale, la
volonté d'enfermer dans un lieu tous les temps, toutes les époques, toutes les
formes, tous les goûts, l'idée de constituer un lieu de tous les temps qui
soit lui-même hors du temps, et inaccessible à sa morsure, le projet
d'organiser ainsi une sorte d'accumulation perpétuelle et indéfinie du temps
dans un lieu qui ne bougerait pas, eh bien, tout cela appartient à notre
modernité. Le musée et la bibliothèque sont des hétérotopies qui sont propres à
la culture occidentale du XIX' siècle.
En face de ces hétérotopies, qui sont liées à
l'accumulation du temps, il y a des hétérotopies qui sont liées, au
contraire, au temps dans ce qu'il a de plus futile, de plus passager, de plus précaire,
et cela sur le mode de la fête. Ce sont des hétérotopies non plus éternitaires,
mais absolument chroniques. Telles sont les foires, ces merveilleux emplacements
vides au bord des villes, qui se peuplent, une ou deux fois par an, de baraques,
d'étalages, d'objets hétéroclites, de lutteurs, de femmes-serpent, de
diseuses de bonne aventure. Tout récemment aussi, on a inventé une nouvelle hétérotopie
chronique, ce sont les villages de vacances; ces villages polynésiens qui
offrent trois petites semaines d'une nudité primitive et éternelle aux
habitants des villes; et vous voyez d'ailleurs que, par les deux formes d'hétérotopies,
se rejoignent celle de la fête et celle de l'éternité du temps qui s'accumule,
les paillotes de Djerba sont en un sens parentes des bibliothèques et des musées,
car, en retrouvant la vie polynésienne, on abolit le temps, mais c'est tout
aussi bien le temps qui se retrouve, c'est toute l'histoire de l'humanité qui
remonte jusqu'à sa source comme dans une sorte de grand savoir immédiat.
Cinquième
principe. Les hétérotopies supposent toujours un système
d'ouverture et de fermeture qui, à la fois, les isole et les rend pénétrables.
En général, on n'accède pas à un emplacement hétérotopique comme dans un
moulin. Ou bien on y est contraint, c'est le cas de la caserne, le cas de la
prison, ou bien il faut se soumettre à des rites et à des purifications. On ne
peut y entrer qu'avec une certaine permission et une fois qu'on a accompli un
certain nombre de gestes. Il y a même d'ailleurs des hétérotopies qui sont
entièrement consacrées à ces activités de purification, purification
mi-religieuse, mi-hygiénique comme dans les hammams des musulmans, ou bien
purification en apparence purement hygiénique comme dans les saunas scandinaves.
Sixième
principe. Le dernier trait des hétérotopies, c'est
qu'elles ont, par rapport à l'espace restant, une fonction. Celle-ci se déploie
entre deux pôles extrêmes. Ou bien elles ont pour rôle de créer un espace
d'illusion qui dénonce comme plus illusoire encore tout l'espace réel, tous
les emplacements à l'intérieur desquels la vie humaine est cloisonnée. Peut-être
est-ce ce rôle qu'ont joué pendant longtemps ces fameuses maisons closes dont
on se trouve maintenant privé. Ou bien, au contraire, créant un autre espace,
un autre espace réel, aussi parfait, aussi méticuleux, aussi bien arrangé que
le nôtre est désordonné, mal agencé et brouillon. Ça serait l'hétérotopie
non pas d'illusion mais de compensation, et je me demande si ce n'est pas un
petit peu de cette manière-là qu'ont fonctionné certaines colonies.
Dans certains cas, elles ont joué, au niveau de
l'organisation générale de l'espace terrestre, le rôle d'hétérotopie. je
pense par exemple, au moment de la première vague de colonisation, au XVIIe siècle,
à ces sociétés puritaines que les Anglais avaient fondées en Amérique et
qui étaient des autres lieux absolument parfaits.
Je pense aussi à ces extraordinaires colonies de
jésuites qui ont été fondées en Amérique du Sud : colonies merveilleuses,
absolument réglées, dans lesquelles la perfection humaine était effectivement
accomplie. Les jésuites du Paraguay avaient établi des colonies dans
lesquelles l'existence était réglée en chacun de ses points. Le village était
réparti selon une disposition rigoureuse autour d'une place rectangulaire au
fond de laquelle il y avait l'église; sur un côté, le collège, de l'autre,
le cimetière, et puis, en face de l'église, s'ouvrait une avenue qu'une autre
venait croiser à angle droit; les familles avaient chacune leur petite cabane
le long de ces deux axes, et ainsi se retrouvait exactement reproduit le signe
du Christ. La chrétienté marquait ainsi de son signe fondamental l'espace et
la géographie du monde américain.
La vie quotidienne des individus était réglée
non pas au sifflet, mais à la cloche. Le réveil était fixé pour tout le
monde à la même heure, le travail commençait pour tout le monde à la même
heure; les repas à midi et à cinq heures; puis on se couchait, et à minuit il
y avait ce qu'on appelait le réveil conjugal, c'est-à-dire que, la cloche du
couvent sonnant, chacun accomplissait son devoir.
Maisons closes et colonies, ce sont deux types
extrêmes de l'hétérotopie, et si l'on songe, après tout, que le bateau,
c'est un morceau flottant d'espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-même,
qui- est fermé sur soi et qui est livré en même temps à l'infini de la mer
et qui, de port en port, de bordée en bordée, de maison close en maison close,
va jusqu'aux colonies chercher ce qu'elles recèlent de plus précieux en leurs
jardins, vous comprenez pourquoi le bateau a été pour notre civilisation,
depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr,
le plus grand instrument de développement économique (ce n'est pas de cela que
je parle aujourd'hui), mais la plus grande réserve d'imagination. Le navire,
c'est l'hétérotopie par excellence. Dans lescivilisations sans bateaux les rêves
se tarissent, l'espionnage y remplace l'aventure, et la police, les corsaires.
Cette conférence a été écrite par Michel
Foucault en Tunisie et prononcée au Cercle d'études architecturales le 14 mars
1967. Nous nous permettons de publier ce texte bref, Foucault ne l'ayant pas
considéré comme appartenant au corpus de ses oeuvres. Peut avant sa mort en
1984, il est en quelque sorte devenu propriété publique quand Foucault a
accepté son utilisation dans le cadre d'une exposition à Berlin et a depuis
lors été réutilisé de nombreuses fois. Il fit l'objet d'une première
publication dans la revue Architecture, Mouvement, Continuité, n. 5, octobre
1984, pp. 46-49 et est aujourd'hui accessible dans les Dits et écrits
Heterotopien.
Von anderen Räumen
Die grosse Obsession des 19. Jahrhunderts ist bekanntlich die Geschichte gewesen: die Entwicklung und der Stillstand, die Krise und der Kreislauf, die Akkumulation der Vergangenheit, die Überlast der Toten, die drohende Erkaltung der Welt. Im Zweiten Grundsatz der Thermodynamik hat das 19. Jahrhundert das Wesentliche seiner mythologischen Ressourcen gefunden. Hingegen wäre die aktuelle Epoche eher die Epoche des Raumes. Wir sind in der Epoche des Simultanen, wir sind in der Epoche der Juxtaposition, in der Epoche des Nahen und des Fernen, des Nebeneinander, des Auseinander. Wir sind, glaube ich, in einem Moment, wo sich die Welt weniger als ein grosses sich durch die Zeit entwickelndes Leben erfährt, sondern eher als ein Netz, das seine Punkte verknüpft und sein Gewirr durchkreuzt. Vielleicht könnte man sagen, dass manche ideologischen Konflikte in den heutigen Polemiken sich zwischen den anhänglichen Nachfahren der Zeit und den hartnäckigen Bewohnern des Raumes abspielen. Der Strukturalismus oder, was man unter diesem ein bisschen allgemeinen Namen gruppiert, ist der Versuch, zwischen den Elementen, die in der Zeit verteilt worden sein mögen, ein Ensemble von Relationen zu etablieren, das sie als nebeneinandergestellte, einander entgegengesetzte, ineinander enthaltene erscheinen lässt: also als eine Art Konfiguration; dabei geht es überhaupt nicht darum, die Zeit zu leugnen; es handelt sich um eine bestimmte Weise, das zu behandeln, was man die Zeit und was man die Geschichte nennt. Indessen muss bemerkt werden, dass der Raum, der heute am Horizont
unserer Sorgen, unserer Theorie, unserer Systeme auftaucht, keine Neuigkeit ist.
Der Raum selber hat in der abendländischen Erfahrung eine Geschichte, und es
ist unmöglich, diese schicksalhafte Kreuzung der Zeit mit dem Raum zu
verkennen. Um diese Geschichte des Raumes ganz grob nachzuzeichnen, könnte man
sagen, dass er im Mittelalter ein hierarchisiertes Ensemble von Orten war:
heilige Orte und profane Orte; geschützte Orte und offene, wehrlose Orte; städtische
und ländliche Orte: für das wirkliche Leben der Menschen. Für die
kosmologische Theorie gab es die überhimmlischen Orte, die dem himmlischen Ort
entgegengesetzt waren; und der himmlische Ort setzte sich seinerseits dem
irdischen Ort entgegen. Es gab die Orte, wo sich die Dinge befanden, weil sie
anderswo gewaltsam entfernt worden waren, und die Orte, wo die Dinge ihre natürliche
Lagerung und Ruhe fanden. Es war diese Hierarchie diese Entgegensetzung, diese
Durchkreuzung von Ortschaften, die konstituierten, was man grob den
mittelalterlichen Raum nennen könnte: Ortungsraum.
Dieser Ortungsraum hat sich mit Galilei geöffnet; denn der wahre
Skandal von Galileis Werk ist nicht so sehr die Entdeckung, die Wiederentdeckung,
dass sich die Erde um die Sonne dreht, sondern die Konstituierung eines
unendlichen und unendlich offenen Raumes; dergestalt, dass sich die Ortschaft
des Mittelalters gewissermassen aufgelöst fand: der Ort einer Sache war nur
mehr ein Punkt in ihrer Bewegung, so wie die Ruhe einer Sache nur mehr ihre
unendlich verlangsamte Bewegung war. Anders gesagt: seit Galilei, seit dem 17.
Jahrhundert, setzt sich die Ausdehnung an die Stelle der Ortung.
Heutzutage setzt sich die Lagerung an die Stelle der Ausdehnung,
die die Ortschaften ersetzt hatte. Die Lagerung oder Plazierung wird durch die
Nachbarschaftsbeziehungen zwischen Punkten oder Elementen definiert; formal kann
man sie als Reihen, Bäume, Gitter beschreiben. Andererseits kennt man die
Bedeutsamkeit der Probleme der Lagerung in der zeitgenössisehen Technik:
Speicherung der Information oder der Rechnungsteilresultate im Gedächtnis einer
Maschine, Zirkulation diskreter Elemente mit zufälligem Ausgang (wie etwa die
Autos auf einer Strasse oder auch die Töne auf einer Telefonleitung), Zuordnung
von markierten oder codierten Elementen innerhalb einer Menge, die entweder zufällig
verteilt oder univok oder plurivok klassiert ist usw. Noch konkreter stellt sich
das Problem der Plazierung oder der Lagerung für die Menschen auf dem Gebiet
der Demographie. Beim Problem der Menschenunterbringung geht es nicht bloss um
die Frage, ob es in derWelt genug Platz für den Menschen gibt eine immerhin
recht wichtige Frage, es geht auch darum zu wissen, welche
Nachbarschaftsbeziehungen, welche Stapelungen, welche Umläufe, welche
Markierungen und Klassierungen für die Menschenelemente in bestimmten Lagen und
zu bestimmten Zwecken gewählt werden sollen. Wir sind in einer Epoche, in der
sich uns der Raum in der Form von Lagerungsbeziehungen darbietet.
Ich glaube also, dass die heutige Unruhe grundlegend den Raum
betrifft, jedenfalls viel mehr als die Zeit. Die Zeit erscheint wohl nur als
eine der möglichen Verteilungen zwischen den Elementen im Raum. Trotz aller Techniken, die ihn besetzen, und dem ganzen Wissensnetz,
das ihn bestimmen oder formalisieren lässt, ist der zeitgenössische Raum wohl
noch nicht gänzlich entsakralisiert (im Unterschied zur Zeit die im 19.
Jahrhundert entsakralisiert worden ist). Gewiss hat es eine bestimmte
theoretische Entsakralisierung des Raumes gegeben (zu der Galileis Werk das
Signal gegeben hat), aber wir sind vielleicht noch nicht zu einer praktischen
Entsakralisierung des Raumes gelangt. Vielleicht ist unser Leben noch von
Entgegensetzungen geleitet, an die man nicht rühren kann, an die sich die
Institutionen und die Praktiken noch nicht herangewagt haben. Entgegensetzungen,
die wir als Gegebenheilen akzeptieren: z. B. zwischen dem privaten Raum und dem
öffentlichen Raum, zwischen dem Raum der Familie und dem gesellschaftlichen
Raum, zwischen dem kulturellen Raum und dem nützlichen Raum, zwischen dem Raum
der Freizeit und dem Raum der Arbeit. Alle diese Gegensätze leben noch von
einer stummen Sakralisierung. Das unermessliche Werk von Bachelard, die
Beschreibungen der Phänomenologen haben uns gelehrt, dass wir nicht in einem
homogenen und leeren Raum leben, sondern in einem Raum, der mit Qualitäten
aufgeladen ist, der vielleicht auch von Phantasmen bevölkert ist. Der Raum
unserer ersten Wahrnehmung, der Raum unserer Träume, der Raum unserer
Leidenschaften sie enthalten in sich gleichsam innere Qualitäten; es ist ein
leichter, ätherischer, durchsichtiger Raum, oder es ist ein dunkler, steiniger,
versperrter Raum; es ist ein Raum der Höhe, ein Raum der Gipfel oder es ist im
Gegenteil ein Raum der Niederung, ein Raum des Schlammes; es ist ein Raum, der
fliesst wie das Wasser; es ist ein Raum, der fest und gefroren ist wie der Stein
oder der Kristall. Diese für die zeitgenössische Reflexion grundlegenden
Analysen betreffen vor allem den Raum des Innen. Ich möchte nun vom Raum des Aussen
sprechen.
Der Raum, in dem wir leben, durch den wir aus uns herausgezogen
werden, in dem sich die Erosion unseres Lebens, unserer Zeit und unserer
Geschichte abspielt, dieser Raum, der uns zernagt und auswäscht, ist selber
auch ein heterogener Raum. Anders gesagt: wir leben nicht in einer Leere,
innerhalb derer man Individuen und Dinge einfach situieren kann. Wir leben nicht
innerhalb einer Leere, die nachträglich mit bunten Farben eingefärbt wird. Wir
leben innerhalb einer Gemengelage von Beziehungen, die Plazierungen definieren,
die nicht aufeinander zurückzuführen und nicht miteinander zu vereinen sind.
Gewiss könnte man die Beschreibung dieser verschiedenen Plazierungen versuchen,
indem man das sie definierende Relationenensemble aufsucht. So könnte man das
Ensemble der Beziehungen beschreiben, die die Verkehrsplätze definieren: die
Strassen, die Züge (ein Zug ist ein ausserordentliches Beziehungsbündel, denn
er ist etwas, was man durchquert, etwas, womit man von einem Punkt zum andern
gelangen kann, und etwas, was selber passiert). Man könnte mit dem Bündel der
sie definierenden Relationen die provisorischen Halteplätze definieren die Cafés,
die Kinos, die Strände. Man könnte ebenfalls mit seinem Beziehungsnetz den
geschlossenen oder halbgeschlossenen Ruheplatz definieren, den das Haus, das
Zimmer, das Bett bilden ... Aber was mich interessiert, das sind unter allen
diesen Plazierungen diejenigen, die die sonderbare Eigenschaft haben, sich auf
alle anderen Plazierungen zu beziehen, aber so, dass sie die von diesen
bezeichneten oder reflektierten Verhältnisse suspendieren, neutralisieren oder
umkehren. Diese Räume, die mit allen anderen in Verbindung stehen und dennoch
allen anderen Plazierungen widersprechen, gehören zwei grossen Typen an.
Es gibt zum einen die Utopien. Die Utopien sind die Plazierungen
ohne wirklichen Ort: die Plazierungen, die mit dem wirklichen Raum der
Gesellschaft ein Verhältnis unmittelbarer oder umgekehrter Analogie unterhalten.
Perfektionierung der Gesellschaft oder Kehrseite der Gesellschaft: jedenfalls
sind die Utopien wesentlich unwirkliche Räume.
Es gibt gleichfalls und das wohl in jeder Kultur, in jeder
Zivilisation wirkliche Orte, wirksame Orte, die in die Einrichtung der
Gesellschaft hineingezeichnet sind, sozusagen Gegenplazierungen oder Widerlager,
tatsächlich realisierte Utopien, in denen die wirklichen Plätze innerhalb der
Kultur gleichzeitig repräsentiert, bestritten und gewendet sind, gewissermassen
Orte ausserhalb aller Orte, wiewohl sie tatsächlich geortet werden können.
Weil diese Orte ganz andere sind als alle Plätze, die sie reflektieren oder von
denen sie sprechen, nenne ich sie im Gegensatz zu den Utopien die Heterotopien.
Und ich glaube, dass es zwischen den Utopien und diesen anderen Plätzen, den
Heterotopien, eine An Misch oder Mittelerfahrung gibt: den Spiegel. Der Spiegel
ist nämlich eine Utopie, sofern er ein Ort ohne Ort ist. Im Spiegel sehe ich
mich da, wo ich nicht bin: in einem unwirklichen Raum, der sich virtuell hinter
der Oberfläche auftut; ich bin dort, wo ich nicht bin, eine Art Schatten, der
mir meine eigene Sichtbarkeit gibt, der mich mich erblicken lässt, wo ich
abwesend bin: Utopie des Spiegels. Aber der Spiegel ist auch eine Heterotopie,
insofern er wirklich existiert und insofern er mich auf den Platz zurückschickt,
den ich wirklich einnehme; vom Spiegel aus entdecke ich mich als abwesend auf
dem Platz, wo ich bin, da ich mich dort sehe; von diesem Blick aus, der sich auf
mich richtet, und aus der Tiefe dieses virtuellen Raumes hinter dem Glas kehre
ich zu mir zurück und beginne meine Augen wieder auf mich zu richten und mich
da wieder einzufinden, wo ich bin. Der Spiegel funktioniert als eine Heterotopie
in dem Sinn, dass er den Platz, den ich einnehme, während ich mich im Glas
erblicke, ganz wirklich macht und mit dem ganzen Umraum verbindet, und dass er
ihn zugleich ganz unwirklich macht, da er nur über den virtuellen Punkt dort
wahrzunehmen ist.
Was nun die eigentlichen Heterotopien anlangt: wie kann man sie
beschreiben, welchen Sinn haben sie? Man könnte eine Wissenschaft annehmen;
nein, lassen wir das heruntergekommene Wort, sagen wir: eine systematische
Beschreibung, deren Aufgabe in einer bestimmten Gesellschaft das Studium, die
Analyse, die Beschreibung, die "Lektüre" (wie man jetzt gern sagt)
dieser verschiedenen Räume, dieser anderen Orte wäre: gewissermassen eine
zugleich mythische und reale Bestreitung des Raumes, in dem wir leben; diese
Beschreibung könnte Heterotopologie heissen.
Erster
Grundsatz. Es
gibt wahrscheinlich keine einzige Kultur auf der Welt, die nicht Heterotopien
etabliert. Es handelt sich da um eine Konstante jeder menschlichen Gruppe. Aber
offensichtlich nehmen die Heterotopien sehr unterschiedliche Formen an, und
vielleicht ist nicht eine einzige Heterotopieform zu finden, die absolut
universal ist. Immerhin kann man sie in zwei grosse Typen einteilen.
In den sogenannten Urgesellschaften gibt es eine Form von
Heterotopien, die ich die Krisenheterotopien nennen würde, d. h. es gibt
privilegierte oder geheiligte oder verbotene Orte, die Individuen vorbehalten
sind, welche sich im Verhältnis zur Gesellschaft und inmitten ihrer
menschlichen Umwelt in einem Krisenzustand befinden: die Heranwachsenden, die
menstruierenden Frauen, die Frauen im Wochenbett, die Alten usw. In unserer
Gesellschaft hören diese Krisenheterotopien nicht auf zu verschwinden, obgleich
man noch Reste davon findet. So haben das Kolleg des 19. Jahrhunderts oder der
Militärdienst für die Knaben eine solche Rolle gespielt, die ersten Äusserungen
der männlichen Sexualität sollten "anderswo" stattfinden als in der
Familie. Für die Mädchen gab es bis in die Mitte des 20. Jahrhunderts eine
Tradition, die sich "Hochzeitsreise" nannte, ein althergebrachtes Phänomen.
Die Defloration des Mädchens musste "nirgendwo" stattfinden; da war
der Zug, das Hotel der Hochzeitsreise gerade der Ort des Nirgendwo: Heterotopie
ohne geographische Fixierung.
Aber diese Krisenheterotopien verschwinden heute und sie werden,
glaube ich, durch Abweichungsheterotopien abgelöst. In sie steckt man die
Individuen, deren Verhalten abweichend ist im Verhältnis zur Norm. Das sind die
Erholungsheime, die psychiatrischen Kliniken; das sind wohlgemerkt auch die Gefängnisse,
und man müsste auch die Altersheime dazu zählen, die an der Grenze zwischen
der Krisenheterotopie und der Abweichungsheterotopie liegen; denn das Alter ist
eine Krise, aber auch eine Abweichung, da in unserer Gesellschaft, wo die
Freiheit die Regel ist, der Müssiggang eine Art Abweichung ist.
Der
zweite Grundsatz
dieser Beschreibung der Heterotopien ist, dass eine Gesellschaft im Laufe ihrer
Geschichte eine immer noch existierende Heterotopie anders funktionieren lassen
kann; tatsächlich hat jede Heterotopie ein ganz bestimmtes Funktionieren
innerhalb der Gesellschaft, und dieselbe Heterotopie kann je nach der Synchronie
der Kultur, in der sie sich befindet, so oder so funktionieren. Als Beispiel
nehme ich die sonderbare Heterotopie des Friedhofs. Der Friedhof ist sicherlich
ein anderer Ort im Verhältnis zu den gewöhnlichen kulturellen Orten;
gleichwohl ist er ein Raum, der mit der Gesamtheit der Stätten der Stadt oder
der Gesellschaft oder des Dorfes verbunden ist, da jedes Individuum, jede
Familie auf dem Friedhof Verwandte hat. In der abendländischen Kultur hat der
Friedhof praktisch immer existiert. Aber er hat wichtige Mutationen erfahren. Bis zum Ende des 18. Jahrhunderts war der Friedhof im Herzen
der Stadt, neben der Kirche, angesiedelt. Da gab es eine ganze Hierarchie von möglichen
Gräbern. Da war der Karner, in dem die Leichen jede Individualität verloren;
es gab einige individuelle Gräber, und dann gab es innerhalb der Kirche die Grüfte,
die wieder von zweierlei Art waren: entweder einfach Steinplatten mit Inschrift
oder Mausoleen mit Statuen usw. Dieser Friedhof, der im geheiligten Raum der
Kirche untergebracht war, hat in den modernen Zivilisationen eine ganz andere
Richtung eingeschlagen; ausgerechnet in der Epoche, in der die Zivilisation, wie
man gemeinhin sagt, "atheistisch" geworden ist, hat die abendländische
Kultur den Kult der Toten installiert. Im Grunde war es natürlich, dass man in
der Zeit, da man tatsächlich an die Auferstehung der Leiber und an die
Unsterblichkeit der Seele glaubte, den sterblichen Überresten keine besondere
Bedeutung zumass.
Sobald man jedoch nicht mehr ganz sicher ist, dass man eine Seele
hat, dass der Leib auferstehen wird, muss man vielleicht dem sterblichen Rest
viel mehr Aufmerksamkeit schenken, der schliesslich die einzige Spur unserer
Existenz inmitten der Welt und der Worte ist. Jedenfalls hat seit dem 19. Jahrhundert jedermann ein Recht auf seinen
kleinen Kasten für seine kleine persönliche Verwesung; andererseits hat man
erst seit dem 19. Jahrhundert begonnen, die Friedhöfe an den äusseren Rand der
Städte zu legen. Zusammen mit der Individualisierung des Todes und mit der bürgerlichen
Aneignung des Friedhofs ist die Angst vor dem Tod als"Krankheit"
entstanden. Es sind die Toten, so unterstellt man, die den Lebenden die
Krankheiten bringen, und es ist die Gegenwart, die Nähe der Toten gleich neben
den Häusern, gleich neben der Kirche, fast mitten auf der Strasse, es ist diese
Nähe, die den Tod selber verbreitet. Das grosse Thema der durch die Ansteckung
der Friedhöfe verbreiteten Krankheit hat das Ende des 18. Jahrhunderts geprägt;
und erst im Laufe des 19. Jahrhunderts hat man begonnen, die Verlegung der
Friedhöfe in die Vorstädte vorzunehmen. Seither bilden die Friedhöfe nicht
mehr den heiligen und unsterblichen Bauch der Stadt, sondern die "andere
Stadt", wo jede Familie ihre schwarze Bleibe besitzt.
Dritter
Grundsatz. Die Heterotopie vermag an einen einzigen Ort mehrere Räume,
mehrere Plazierungen zusammenzulegen, die an sich unvereinbar sind. So lässt
das Theater auf dem Viereck der Bühne eine ganze Reihe von einander fremden
Orten aufeinander folgen; so ist das Kino ein merkwürdiger viereckiger Saal, in
dessen Hintergrund man einen zweidimensionalen Schirm einen dreidimensionalen
Raum sich projizieren sieht.
Aber vielleicht ist die älteste dieser Heterotopien mit widersprüchlichen
Plazierungen der Garten. Man muss nicht vergessen, dass der Garten, diese
erstaunliche Schöpfung von Jahrtausenden, im Orient sehr tiefe und gleichsam übereinander
gelagerte Bedeutungen hatte. Der traditionelle Garten der Perser war ein
geheiligter Raum, der in seinem Rechteck vier Teile enthalten musste, die die
vier Teile der Welt repräsentierten, und ausserdem einen noch heiligeren Raum
in der Mitte, der gleichsam der Nabel der Welt war (dort befanden sich das
Becken und der Wasserstrahl); und die ganze Vegetation des Gartens musste sich
in diesem Mikrokosmos verteilen. Und die Teppiche waren ursprünglich
Reproduktionen von Gärten: der Garten ist ein Teppich, auf dem die ganze Welt
ihre symbolische Vollkommenheit erreicht, und der Teppich ist so etwas wie ein
im Raum mobiler Garten. Der Garten ist die kleinste Parzelle der Welt und darauf
ist er die Totalität der Welt. Der Garten ist seit dem ältesten Altertum eine
selige und universalisierende Heterotopie (daher unsere zoologischen Gärten).
Vierter
Grundsatz. Die Heterotopien sind häufig an Zeitschnitte gebunden, d. h. an
etwas, was man symmetrischerweise Heterochronien nennen könnte. Die Heterotopie
erreicht ihr volles Funktionieren, wenn die Menschen mit ihrer herkömmlichen
Zeit brechen. Man sieht daran, dass der Friedhof ein eminent heterotopischer Ort
ist denn er beginnt mit der sonderbaren Heterochronie, die für das Individuum
der Verlust des Lebens ist und die Quasi Ewigkeit, in der es nicht aufhört,
sich zu zersetzen und zu verwischen.
Überhaupt organisieren und arrangieren sich Heterotopie und
Heterochronie in einer Gesellschaft wie der unsrigen auf ziemlich komplexe Weise.
Es gibt einmal die Heterotopien der sich endlos akkumulierenden Zeit, z. B. die
Museen, die Bibliotheken. Museen und Bibliotheken sind Heterotopien, in denen
die Zeit nicht aufhört, sich auf den Gipfel ihrer selber zu stapeln und zu drängen,
während im 17. und noch bis zum Ende des 18. Jahrhunderts die Museen und die
Bibliotheken Ausdruck einer individuellen Wahl waren. Doch die Idee, alles zu
akkumulieren, die Idee, eine Art Generalarchiv zusammenzutragen, der Wille, an
einem Ort alle Zeiten, alle Epochen, alle Formen, alle Geschmäcker einzuschliessen,
die Idee, einen Ort aller Zeiten zu installieren, der selber ausser der Zeit und
sicher vor ihrem Zahn sein soll, das Projekt, solchermassen eine fortwährende
und unbegrenzte Anhäufung der Zeit an einem unerschütterlichen Ort zu
organisieren all das gehört unserer Modernität an. Das Museum und die
Bibliothek sind Heterotopien, die der abendländischen Kultur des 19.
Jahrhunderts eigen sind.
Gegenüber diesen Heterotopien, die an die Speicherung der Zeit
gebunden sind, gibt es Heterotopien, die im Gegenteil an das Flüchtigste, an
das Vorübergehendste, an das Prekärste der Zeit geknüpft sind: in der Weise
des Festes. Das sind nicht mehr ewigkeitliche, sondern absolut chronische
Heterotopien. So die Festwiesen, diese wundersamen leeren Plätze am Rand der Städte,
die sich ein oder zweimal jährlich mit Baracken, Schaustellungen, heterogensten
Objekten, Kämpfern, Schlangenfrauen, Wahrsagerinnen usw. bevölkern. Jüngst
noch hat man eine neue chronische Heterotopie erfunden, es sind die Feriendörfer:
diese polynesischen Dörfer, die den Bewohnern der Städte drei kurze Wochen
einer ursprünglichen und ewigen Nacktheit bieten. Sofern sich da zwei
Heterotopien treffen, die des Festes und die der Ewigkeit der sich
akkumulierenden Zeit, sind die Strohhütten von Djerba auch Verwandte der
Bibliotheken und der Museen, denn indem man ins polynesische Leben eintaucht,
hebt man die Zeit auf, aber ebenso findet die Zeit sich wieder, und die ganze
Geschichte der Menschheit steigt zu ihrer Quelle zurück wie in einem grossen
unmittelbaren Wissen.
Fünfter
Grundsatz. Die Heterotopien setzen immer ein System von Öffnungen und Schliessungen
voraus, das sie gleichzeitig isoliert und durchdringlich macht. Im allgemeinen
ist ein heterotopischer Platz nicht ohne weiteres zugänglich. Entweder wird man
zum Eintritt gezwungen, das ist der Fall der Kaserne, der Fall des Gefängnisses,
oder man muss sich Riten und Reinigungen unterziehen. Man kann nur mit einer
gewissen Erlaubnis und mit der Vollziehung gewisser Gesten eintreten. Übrigens
gibt es sogar Heterotopien, die gänzlich den Reinigungsaktivitäten gewidmet
sind; ob es sich nun um die halb religiöse, halb hygienische Reinigung in den
islamischen Hammam handelt oder um die anscheinend rein hygienische Reinigung
wie in den skandinavischen Saunas. Es gibt aber auch Heterotopien, die ganz nach
Öffnungen aussehen,jedoch zumeist sonderbare Ausschliessungen bergen. Jeder
kann diese heterotopischen Plätze betreten, aber in Wahrheit ist es nur eine
Illusion: man glaubt einzutreten und ist damit ausgeschlossen. Ich denke etwa an
die berühmten Kammern in den grossen Pachthöfen Brasiliens oder überhaupt Südamerikas.
Die Eingangstür führte gerade nicht in die Wohnung der Familie. Jeder Passant,
jeder Reisende durfte diese Tür öffnen, in die Kammer eintreten und darin eine
Nacht schlafen. Diese Kammern waren so, dass der Ankömmling niemals mit der
Familie zusammenkam. So ein Gast war kein Eingeladener, sondern nur ein Vorbeigänger.
Dieser Heterotopietyp, der in unseren Zivilisationen praktisch verschwunden ist,
liesse sich vielleicht in den Zimmern der amerikanischen Motels wiederfinden, wo
man mit seinem Wagen und mit seiner Freundin einfährt und wo die illegale
Sexualität zugleich geschützt und versteckt ist: ausgelagert, ohne ins Freie
gesetzt zu sein.
Der letzte
Zug
der Heterotopien besteht schliesslich darin, dass sie gegenüber dem
verbleibenden Raum eine Funktion haben. Diese entfaltet sich zwischen zwei
extremen Polen. Entweder haben sie einen Illusionsraum zu schaffen, der den
gesamten Realraum, alle Plazierungen, in die das menschliche Leben gesperrt ist,
als noch illusorischer denunziert. Vielleicht ist es diese Rolle, die lange Zeit
die berühmten Bordelle gespielt haben, deren man sich nun beraubt findet. Oder
man schafft einen anderen Raum, einen anderen wirklichen Raum, der so vollkommen,
so sorgfältig, so wohlgeordnet ist wie der unsrige ungeordnet, missraten und
wirr ist. Das wäre also nicht die Illusionsheterotopie, sondern die
Kompensationsheterotopie, und ich frage mich, ob nicht Kolonien ein bisschen so
funktioniert haben. In einigen Fällen haben sie für die Gesamtorganisation des
Erdenraums die Rolle der Heterotopie gespielt. Ich denke etwa an die erste
Kolonisationswelle im 17. Jahrhundert, an die puritanischen Gesellschaften, die
die Engländer in Amerika gründeten und die absolut vollkommene andere Orte
waren. Ich denke auch an die ausserordentlichen Jesuitenkolonien, die in Südamerika
gegründet worden sind: vortreffliche, absolut geregelte Kolonien, in denen die
menschliche Vollkommenheit tatsächlich erreicht war. Die Jesuiten haben in
Paraguay Kolonien errichtet, in denen die Existenz in jedem ihrer Punkte
geregelt war. Das Dorf war in einer strengen Ordnung um einen rechteckigen Platz
angelegt, an dessen Ende die Kirche stand, an einer Seite das Kolleg, an der
andern der Friedhof, und gegenüber der Kirche öffnete sich eine Strasse, die
eine andere im rechten Winkel kreuzte. Die Familien hattenjeweils ihre kleine Hütte
an diesen beiden Achsen, und so fand sich das Zeichen Christi genau reproduziert.
Die Christenheit markierte so mit ihrem Grundzeichen den Raum und die Geographie
der amerikanischen Welt. Das tägliche Leben der Individuen wurde nicht mit der
Pfeife, sondern mit der Glocke geregelt. Das Erwachen war für alle auf die
selbe Stunde festgesetzt, die Arbeit begann für alle zur selben Stunde; die
Mahlzeiten waren um 12 und 5 Uhr; dann legte man sich nieder, und zur
Mitternacht gab es das, was man das Ehewachen nannte, d. h. wenn die Glocke des
Klosters ertönte, erfüllte jeder seine Pflicht.
Bordelle und Kolonien sind zwei extreme Typen der Heterotopie, und
wenn man daran denkt, dass das Schiff ein schaukelndes Stück Raum ist, ein Ort
ohne Ort, der aus sich selber lebt, der in sich geschlossen ist und gleichzeitig
dem Unendlichen des Meeres ausgeliefert ist und der, von Hafen zu Hafen, von
Ladung zu Ladung, von Bordell zu Bordell, bis zu den Kolonien suchen fährt, was
sie an Kostbarstem in ihren Gärten bergen, dann versteht man, warum das Schiff
für unsere Zivilisation vom 16. Jahrhundert bis in unsere Tage nicht nur das
grösste
Instrument der wirtschaftlichen Entwicklung gewesen ist (nicht davon spreche ich
heute), sondern auch das grösste Imaginationsarsenal. Das Schiff, das ist die
Heterotopie schlechthin. In den Zivilisationen ohne Schiff versiegen die Träume,
die Spionage ersetzt das Abenteuer und die Polizei die Freibeuter.
Dieser Vortrag wurde von Michel Foucault in Tunesien geschrieben und vor dem Cercle d'études architecturales am 14. März 1967 gehalten. Erst kurz vor seinem Tode wurde der Text veröffentlicht in der Zeitschrift Achitecture, Mouvement, Continuité, n. 5, Oktober 1984, S. 46-49. Doch schon kurz darauf wurde der Text Teil einer Installation in einer Berliner Ausstellung, seitdem wurde er in zahlreichen Kontexten wiederverwendet. Wir erlauben uns daher, dieses Dokument noch einmal vorzustellen. Der französische Text wurde in die Dits et écrits aufgenommen (Bd. IV, S. 752-762). Die deutsche Übersetzung ist dem Band entnommen: "Idee Prozess Ergebnis - Die Reparatur und Rekonstruktion der Stadt". IBA Berlin 1987, Frölich & Kaufmann Berlin, 1984, S. 337 ff
http://www.atopia.tk/eyedentity/foucfr.htm
http://www.atopia.tk/eyedentity/foucde.htm
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© Canandanann 20-09-2006 16:58:03
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